pühapäev, juuli 23, 2006

Les Misérables

Il y avait dans le jardin du Luxembourg deux enfants se tenant par la main. L'un pouvait avoir sept ans, l'autre cinq. La pluie les ayant mouillés, ils marchaien dans les allées du côté du soleil; l'aîné conduisait le petit; ils étaient en haillons et pâles; ils avaient un air d'oiseaux fauves. Le petit disait "J'ai faim." L'aîné déjà un peu protecteur, conduisait son frère de la main gauche et avait une baguette dans sa main droite.
Il avait plu la veille, et même un peu le matin. Les deux petits abandonnés étaient parvenus près du grand bassin et tâchaient de se cacher; ils se tenaient derrière la baraque où les cygnes avaient leur abri.
Presque au même instant que les deux enfants, un autre couple s'approchait su grand bassin. C'était une bonhomme de cinquante ans menant par la main un bonhomme de six ans. Sans doute le père avec son fils. Le bonhomme de six ans tenait une grosse brioche... Ils s'étaient arrêtés près du bassin pour regarder les deux cygnes... Le fils mordit la brioche, la recracha, et brusquement se mit à pleurer.
- Pourquoi pleures-tu? demanda le père.
- Mon gâteau m'ennuie, répondit l'enfant.
- Tu n'en veux plus?
- Non.
- Jette-le aux cygnes.
L'enfant hésita. On ne veut plus son gâteau, ce n'est pas une raison pour le donner. Le père poursuivit:
- Sois humain. Il faut avoir pitié des animaux.
Et prenant à son fils le gâteau, il le jeta dans le bassin.
- Rentrons, dit le père...
Cependant, en même temps que les cygnes, les deux petits misérables s'étaient approchés de la brioche. Elle flottait sur l'eau. Le plus petit regarda le gâteau, le plus grand regardait le bourgeois avec son fils qui s'en allaient... Sitôt hors de vue, l'aîné se coucha vivement à plat ventre sur le rebord du bassin, et, s'y cramponnant de la main gauche, penché sur l'eau, étendit avec sa main droite sa baguette vers le gâteau.
Les cygnes, voyant l'ennemi, se hâtèrent, et en se hâtant, firent un mouvement utile au petit pêcheur; l'ondulation poussa la brioche vers la baguette de l'enfant. Il donna un coup vif, ramena la brioche, effraya les cygnes, et ayant saisi le gâteau, se redressa.
Le gâteau était mouillé, mais les enfants avaient faim et soif. L'aîné fit deux parts de brioche, une grande et une petite, prit la petite pour lui, et donna la grande à son petit frère.

D'après Victor Hugo "Les Misérables"

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